De bons arguments et un bon caractère en politique

De bons arguments et un bon caractère en politique

Il existe plusieurs piliers sur lesquels repose une persuasion efficace, à commencer par le caractère de ceux qui tentent de persuader. Aristote, dans son livre Rhétoriqueécrit : « Il y a trois choses, en dehors des preuves démonstratives, qui inspirent la croyance : à savoir, la sagacité, la noblesse de caractère et la bonne volonté. . . . Si une personne est censée les maîtriser toutes, elle méritera du crédit aux yeux de son auditoire. »[1]

L’intégrité compte toujours

Aristote veut dire que l’intégrité des individus ne peut être séparée de leurs arguments. Nous sommes tous beaucoup moins enclins à écouter les arguments d’un adultère récidiviste en faveur de la fidélité, ceux d’un alcoolique pratiquant en faveur d’une consommation responsable d’alcool ou ceux d’un menteur chronique en faveur de l’honnêteté. Un mauvais caractère et un mauvais comportement peuvent discréditer de bons arguments.

Bien entendu, ce n’est pas tout. Les arguments doivent être jugés en fonction de leur valeur. La loyauté n’est pas moins une vertu à cause de la déloyauté de ceux qui la défendent. Et nous devons veiller à ne pas créer une situation dans laquelle seuls des individus parfaits seraient autorisés à avancer des arguments moraux. Si tel est le cas, les arguments moraux disparaîtront tout simplement. Le péché étant une condition congénitale, seules les personnes imparfaites peuvent s’exprimer au nom d’idéaux moraux.

De plus, les hommes politiques ne sont pas des ministres ou des diacres ; les normes bibliques élevées qui s’appliquent à ceux qui occupent des fonctions dans l’Église – par exemple, être le mari d’une seule femme et bien gérer les enfants et le ménage – sont différentes de celles que nous devrions exiger des personnalités publiques.

Nous pouvons néanmoins tous convenir que, dans l’art de la persuasion, le caractère moral exerce une influence considérable. Nous avons tous participé à des discussions sur des questions complexes que nous ne pouvons pas comprendre pleinement et dont nous ne saisissons pas pleinement les détails. Dans ces cas-là, nous nous tournons souvent vers ceux en qui nous avons confiance, moralement et intellectuellement, pour obtenir des conseils et une approbation. Nous tenons à juste titre compte de leur intégrité lorsque nous évaluons les mérites d’un argument ou d’une cause particulière.

Depuis le début

Ce point s’applique d’ailleurs à la fondation de l’Amérique. Son succès ne reposait pas seulement sur les mots et les idéaux contenus dans la Déclaration d’indépendance ou dans la Constitution ; il dépendait aussi de la confiance que les Américains accordaient à la moralité de George Washington. En 1783, des officiers non payés de l’armée continentale menacèrent de lancer un coup d’État militaire pour renverser le Congrès, qui n’avait plus d’argent. Mais, à la demande de Washington, qu’ils vénéraient, les officiers votèrent pour donner au Congrès plus de temps pour leur verser ce qui leur était dû.

L’intégrité des individus ne peut être séparée de leurs arguments.

Washington persuada les officiers de respecter la loi. Mais c’est son caractère qui l’emporta, plus que ses paroles. « C’était en effet, dans tous les sens du terme, un homme sage, bon et grand », dit Jefferson de lui. « Washington commet des erreurs comme les autres hommes, mais il commet des erreurs avec intégrité. » Si tel n’avait pas été le cas, les Américains auraient peut-être abandonné ce « nouvel ordre pour les siècles » pendant les premiers jours difficiles de la République.[2]

Les gens et leurs arguments

Il ne faut donc pas considérer les arguments comme de simples arguments intellectuels abstraits. Ils sont souvent liés aux personnes qui les défendent. En fait, c'est assez simple : si les gens ne peuvent pas vous faire confiance, ils ne feront probablement pas confiance aux faits et aux preuves que vous rassemblez en faveur de votre cause.

Le danger que des défauts de caractère viennent discréditer de bons arguments peut être particulièrement aigu pour les chrétiens, qui sont tenus à un niveau de probité particulièrement élevé. Et bien sûr, le monde est toujours désireux de dénoncer les chrétiens qui sont des hypocrites moraux. C’est pourquoi les Écritures vont si loin pour enseigner aux disciples du Christ à agir d’une manière irréprochable, à avoir une conduite irréprochable et à rappeler aux chrétiens que la foi sans les œuvres est morte. « Soyez toujours prêts à vous défendre devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous », a écrit saint Pierre. « Mais faites cela avec douceur et respect, en gardant une conscience pure, afin que ceux qui parlent mal de votre bonne conduite en Christ soient couverts de honte. »

[1] JEC Welldon, traduction., La rhétorique d'Aristote (Paris : Gallimard, 1885), 113–114.

[2] William Eleroy Curtis, Le vrai Thomas Jefferson (Philadelphie : B. Lippincott, 1901), 241.